Historique 5 – Un long sommeil à Guîtres

Les 241-P  –  carrière SNCF de la P-9  –  Le dernier train (COPEF)  –  Transfert à Guîtres  –  Un long sommeil…

En 1976, la AAATV Bordeaux et le Train Touristique de Guîtres-Marcenais joignent leurs efforts pour faire construire un hangar pour la 241-P-9. Ils décident de solenniser cette mise sous abri par des festivités comparables à celles de 1974. Mais cette fois on sollicite la présence d’une grande figure de l’ingénierie vapeur ferroviaire : André Chapelon, de réputation mondiale.

Invité par Raymond Dauphin, Président co-fondateur de la AAATV, Chapelon reçoit également le titre de Président d’Honneur de la AAATV. La machine est même remise en pression, et effectue prudemment quelques dizaines de mètres sur le rail de faible section de la voie 3. Dans le hangar on a apposé un panneau dont le texte vente encore le chemin de fer comme glorieux outil de pacification entre les hommes… un discours contemporain de la grande époque de la vapeur, et qui est déjà, en soi, une pièce de musée…

Tout cela ne suffira pas, malgré les efforts de l’association et des notables locaux, à véritablement réjouir André Chapelon, qui, tout au long de l’après-midi, conservera l’expression qu’on lui voit sur la photo… Car il n’oublie pas que ses meilleurs prototypes ont été promptement mise à la ferraille par la SNCF, et que la 241-P-9, grande machine de ligne, est reléguée dans une petite gare de campagne, à titre définitif. Du moins le croit-on à ce moment… Sans doute aussi sait-il que son temps est également compté… André Chapelon décèdera deux ans plus tard.

La P9 devint alors un monument réputé dans le nord-Gironde. L’ouverture de sa clôture était toujours attendue par les passagers du TTGM, qui prenaient généralement de l’avance en prévision de cette visite particulière. De fait, la machine restait environnée par un contexte ferroviaire actif, bien qu’il s’agisse, pour quelques années encore, de l’exploitation d’un simple train de draisines.

Ci-dessus : la P9 sous son hangar, avant la construction de l’atelier du TTGM, alors que la sortie de la gare est encore dans son état d’origine.

En 1980 le TTGM fit l’acquisition de sa première machine à vapeur, une 020 Meuse. On apprécia alors de revoir la P9 dans son ambiance naturelle, faite de volutes grises et blanches, de l’odeur acre du charbon, des bruits d’échappement et des coups de sifflet,  qui avaient manqué aux passionnés comme aux visiteurs pendant six ans.

Cerise sur le gâteau, le charbon resté dans le tender de la 241-P-9 suffit à alimenter la 020 Meuse pendant… toute sa première saison estivale !

 

 

Dans les années 80 une mémorable fête de la vapeur avait eu lieu, et la SNCF avait même été de la partie – heureuse époque ! – en amenant à Guîtres une Rame Z2, une initiative absolument exceptionnelle et qui fut  la dernière en raison de la dégradation progressive de la ligne en direction de Coutras.

Vue très inhabituelle de la 241-P-9 depuis une rame Z2 à Guîtres ! Photo (DR) Alain Cassagnau

En 1985, l’organisation mémorable d’un train à vapeur spécial (et audacieux !) Bordeaux-Guîtres A/R permit à la P9 de côtoyer la 141-TD-740.

241-P-9 et 141-TD-740 à Guîtres lors du train spécial Bordeaux-Guîtres en 1985.

En 1986 la SNCF souhaita se débarrasser de la P9, prête pour cela à la vendre à un ferrailleur. François Schneider, alors Président de la AAATV, en fit le rachat au prix de la ferraille, pour la somme de… 12.000 Francs (ce qui correspondait à un an de SMIC brut, ou encore le prix d’une voiture d’entrée de gamme). Par la suite la machine connut très peu d’épisodes particuliers.

Durant toutes ces années la construction du hangar par l’équipe du Train Touristique de Guîtres aura joué un rôle déterminant pour la préservation de la machine. Mais pas seulement. Un ancien mécanicien de la région Est, Daniel Lécheneau, (ci-contre, à gauche, en compagnie de Néris Gendreau) ayant conduit une 141-P, membre de la AAATV, venant régulièrement en vacances dans la région, veillait à tourner régulièrement la manivelle du graisseur Lavalette. A ceux qui prétendait que ça ne servait plus à rien, il rétorquait, fidèle à l’ancienne école : « Une machine, ça se graisse ! ». Ajoutant parfois : « Ou alors tu la mets à la ferraille ! ».

Le fait est, aujourd’hui, que, grâce à son intervention régulière – qu’il était le seul à effectuer – le très bon état des têtes de bielles et autres pièces du mécanisme témoigne qu’il ne faut jamais cesser d’entretenir ces engins ! Daniel, remarquable homme de bon sens, aura ainsi laissé la preuve qu’aimer son métier est un gage de qualité dans le travail…

La collaboration entre la AAATV-Bordeaux et le TTGM (de nombreux membres étant communs) a permi également de repeindre la machine à plusieurs reprises. La dernière mise en peinture à Guîtres fut faite en 2003 par les Scouts de France de Margny / Compiègne, lors d’un chantier organisé par le signataire de ces lignes. A ce moment, l’avenir de la machine ne laissait rien entrevoir d’autre qu’un long stationnement, et les zones noires de la P9 fut repeintes au noir-goudron. En ces temps-là, personne ne soupçonnait que, cinq ans plus tard, une perspective inespérée allait s’offrir à la 241-P-9…

Alain Cassagnau

Le départ de la 241-P-9 vers Toulouse est raconté dans deux DVD « Le Réveil » et « Tranches de vie » dont nous avons malheureusement été contraints d’arrêter la production car ce support se vend trop peu.

Les 241-P  –  carrière SNCF de la P-9  –  Le dernier train (COPEF)  –  Transfert à Guîtres  –  Un long sommeil…